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PRISMA

موشور الأفكار

Akufi nt Tikta

Observatoire de la sécularité en Algérie

 

L’Observatoire de la sécularité est crée par le Think-Tank PRISMA.

Il se veut une structure d’étude et d’information relative aux évolutions des pratiques religieuses dans les différentes composantes de la société algérienne. 

La religion continue à structurer la vie quotidienne des algériens et occupe une place importante, sinon centrale pour beaucoup d’entre eux. L’imprégnation religieuse y est relativement élevée, au sens où elle constitue une référence morale et une pratique active pour beaucoup de personnes.  

La sécularisation révèle les transformations en profondeur des dynamiques d’une société. Il s’agit d’une mutation d’importance qui peut être appréciée à travers  le suivis de différents déterminants pour apprécier le degré de hégémonie du religieux sur la vie quotidienne des algériens et aussi la place du religieux dans les différentes institutions et organisations. 

Notre objectif est clair : donner une vision rationnelle et dépassionnée des différents sujets qui structurent le débat politique en Algérie. Il s’agit à la fois d’éclairer et d’enrichir le débat public pour la nécessaire construction démocratique. 

Introduction

Le fait religieux est un élément essentiel de la vie sociale et culturelle, présent dans toutes les sociétés du monde. En Algérie, pays à majorité musulmane, l’islam est la religion d’État et est largement pratiqué dans la vie quotidienne, avec des mosquées jouant un rôle important en tant que centres de culte et de rassemblement pour les fidèles. Les fêtes religieuses rythment également l’année et constituent des moments clés pour la communauté.

Cependant, depuis les années 1990, l’Algérie a été confrontée à une période de violence associée à des mouvements islamistes, ce qui a mis en lumière l’importance du fait religieux dans la société algérienne. Cette situation a également conduit à une prise de conscience de l’importance de la laïcité de l’État pour préserver la neutralité religieuse des institutions publiques et garantir les droits des minorités religieuses.

Ainsi, la question de la sécularisation est devenue un enjeu important en Algérie, nécessitant un équilibre délicat entre la reconnaissance de la diversité religieuse et la garantie des droits des minorités, tout en respectant la laïcité de l’État. Les tensions entre les différentes visions de la place de la religion dans la société ont un impact significatif sur les relations intercommunautaires, les politiques publiques, les lois et les pratiques sociales.

Dans ce contexte, le site Prisma a lancé un projet d’observatoire sur le phénomène de sécularité en Algérie, avec pour objectif de suivre l’évolution du fait religieux dans la société algérienne et son impact sur celle-ci. Ainsi, avant de plonger dans l’étude détaillée du phénomène de la sécularité en Algérie, une introduction générale sur la religion, sa définition et son importance s’impose pour bien comprendre le fait religieux et appréhender la notion de sécularisation.

La religion a toujours joué un rôle central dans la société algérienne, touchant toutes les sphères de la vie : spirituelle, éducative, économique, sociale et politique. Cependant, la religion musulmane, telle qu’elle est pratiquée actuellement en Algérie et en Afrique du Nord, n’est qu’une manifestation moderne d’une évolution de la pratique religieuse dans cette région. La religion nord-africaine est le fruit d’un mélange, d’un syncrétisme et d’une stratification de croyances locales qui ont été influencées, empruntées et qui ont elles-mêmes influencé, au fil du temps, les contacts avec d’autres peuples et religions. Cette religion se manifeste à travers différentes compositions, notamment la mythologie amazighe. Les imaziɣenes, qui sont les Berbères autochtones de la région, sont toujours imprégnés de croyances, de mythes et de rites anciens qui ont été transmis de génération en génération via la tradition orale et qui sont encore présents aujourd’hui à travers diverses pratiques plus ou moins sacrées. En outre, les confréries religieuses, qui existent depuis des temps très anciens, antérieurs à l’islam, continuent d’exister et d’influencer l’islam soufi nord-africain.

Pendant des siècles, les confréries ont joué un rôle central dans la religion algérienne, étant considérées comme des institutions sociales, religieuses, politiques et parfois même militaires. Cependant, la colonisation a attaqué cette religion confrérique, considérée comme un foyer d’organisation de la résistance, et elle a été également combattue plus tard par l’Association des Oulémas, qui la considérait comme “impure”. Malgré ces attaques, la religion animiste et les réseaux confrériques ont continué à survivre en marge de la société.

Avec l’indépendance, l’Etat-Nation a marginalisé définitivement les confréries religieuses avec une volonté claire de moderniser le pays, tout en gardant le contrôle sur la société, d’où l’instauration d’un monopole sur la religion. L’islam a été institué comme religion d’Etat, avec l’organisation du culte à travers un ministère dédié, des administrations spécifiques et une fonctionnarisation des hommes religieux.

Cependant, les politiques publiques et sociales du jeune Etat algérien n’ont pas réussi à offrir des solutions aux différentes aspirations de la société, principalement l’accès au développement promis par la guerre de libération. Cela a mis le lit à l’apparition de l’islam politique depuis la fin des années 1970, qui se voulait un projet alternatif au projet national. La société algérienne a connu un regain de la pratique religieuse, disons plus de religiosité d’inspiration wahabite, encouragé par la conjoncture international de l’époque. La réussite de la révolution iranienne et la poussée communiste ont poussé les américains et les saoudiens à financer les courants d’inspirations wahabites pour freiner l’expansion du bloc de l’est et les idéologies de Gauche hostile au fait religieux en général, et aussi pour contrecarrer le régime théocratique chiite en Iran.

Pour expliquer ce regain de la religion et son apparition dans tous les espaces avec son caractère ostentatoire, différentes théories ont été avancées. La thèse la plus répandue dans les études sociologiques et politiques portant sur les sociétés nord-africaines est celle de la ré-islamisation. D’autres défendent la thèse contraire, selon laquelle les retours du religieux et les intégrismes ne sont que des réactions au processus de sécularisation et que le regain de la religiosité n’est que l’expression d’une réaction de résistance au processus de la modernité qui s’installe à contre-courant dans la société.

PRISMA a pour objectif de se rapprocher des réalités concrètes et d’éviter de se limiter à des interprétations purement théoriques, subjectives ou idéologiques. Pour y parvenir, cette étude va se baser sur un ensemble d’indicateurs pour mesurer le degré de sécularisation dans la société algérienne. Ainsi, l’analyse portera sur la présence et l’hégémonie de la religion dans différentes structures sociales, économiques, politiques ou institutionnelles, ainsi que sur son impact sur la vie quotidienne des Algériens. Il sera donc nécessaire de prêter une attention particulière à différents niveaux de cette hégémonie, à savoir ceux qui s’exercent sur le système social dans sa globalité, au niveau organisationnel et institutionnel, ainsi qu’au niveau individuel.

Avant d’analyser les différents indicateurs de sécularisation en Algérie, il est important de commencer par une partie introductive qui permettra de définir le concept de sécularisation et de le distinguer de celui de laïcisation. Cette partie pourra également explorer comment ces notions, apparues dans l’Europe occidentale du XIXe siècle, peuvent être traduites dans des langues relevant d’un univers culturel différent, tel que le monde nord-africain. Bien que ce texte ne puisse pas répondre à toutes ces questions, il pourra proposer quelques pistes de réflexion.

Concept de sécularisation

  • Qu’en est-il de la sécularité ?  

La sécularisation est comprise comme un mouvement historique matérialisé par un processus social et culturel qui ne sont pas décrétés, au terme desquels des réalités humaines et des secteurs plus ou moins entiers de la société échappent progressivement à l’influence directe des symboles religieux. Les différents aspects de la vie de l’individu s’établissent ainsi dans une autonomie toujours plus grande par rapport aux règles et institutions du pouvoir du sacré. Ce processus a fini par gagner bien des domaines de la société et à se matérialiser, parfois, par des lois, comme par exemple avec la fin de la monarchie de droit divin en France ou encore la loi dite de « Séparation des Églises et de l’État » du 9 décembre 1905. 

  • Sécularité et laïcité

Il est important de distinguer entre la sécularisation et la laïcisation. La laïcisation, du moins dans sa première acception qui remonte au XIXe siècle, relève du domaine législatif : il s’agit de légiférer, de produire des lois. Autrement dit, la laïcité est liée à la place de la religion dans l’élaboration des règles du droit comme source de la loi. La sécularisation concerne la place du religieux dans l’organisation de la vie de l’individu qu’elle soit formelle ou informelle, sociale ou institutionnelle.

Ainsi, la sécularité concerne l’individu et la société en général, tandis que la laïcité concerne le droit et l’organisation des institutions de l’État. Le processus de la sécularité peut prendre des formes et des rythmes différents, voire contradictoires. Pour des raisons historiques, socio-économiques et culturelles, l’ampleur et l’intensité des luttes politiques, sociales et féministes, ainsi que leurs impacts sur les consciences font qu’elle soit par exemple assez avancée chez telles couches sociales et/ou dans tel pan du droit étatique, tout en coexistant pendant plusieurs décennies ou générations avec les pratiques cultuelles et sociales d’inspiration religieuse. La sécularisation laisse aussi le champ libre à des croyances de substitution comme les idéologies politiques.

  • Processus de Sécularité 

La sécularisation est un processus pluriséculaire caractérisé par un mouvement social et culturel qui s’étend sur des siècles. Le processus de sécularisation fait référence à la tendance historique de la diminution de l’influence de la religion dans les domaines de la vie sociale, culturelle et politique. Il se manifeste par une augmentation de l’importance accordée aux aspects non-religieux de la vie, tels que la science, la technologie, la raison, l’individualisme, la liberté et les droits de l’homme.

Le processus de sécularisation a débuté il y a plusieurs siècles dans les sociétés européennes avec la Renaissance, il a commencé à prendre de l’ampleur en Europe occidentale à partir du XVIIIe siècle, avec l’émergence de la pensée des Lumières et l’affirmation de la primauté de la raison et de la science sur la religion. Il s’est  s’est accéléré depuis le 20 e siècle avec la révolution industrielle pour s’étendre au reste du monde. 

La sécularisation se poursuit avec l’augmentation de la diffusion de l’éducation, de la croissance de la science et de la technologie, de l’urbanisation, de l’individualisme, de la montée de la démocratie et de la laïcité. Dans de nombreux pays, les États ont pris en charge certaines fonctions religieuses, telles que l’éducation, la charité et le mariage, et ont établi des systèmes de lois séculières.

Le processus de sécularisation a eu un impact considérable sur la vie religieuse des sociétés occidentales, en particulier sur l’Église catholique. Les Églises ont perdu de leur pouvoir, de leur influence et de leur autorité morale, et ont été obligées de s’adapter à une société de plus en plus séculière. Toutefois, il convient de noter que la sécularisation n’a pas été uniforme dans le monde, et que dans certains pays, la religion continue de jouer un rôle important dans la vie sociale, culturelle et politique.

  • Sécularité dans le monde musulman  :

Si l’on s’accorde sur le plus petit dénominateur commun sur la sécularisation, à savoir la “sortie” ou la “non-présence” du religieux dans certains domaines de la vie de l’individu, nous pouvons dire que le processus de sécularisation a débuté depuis plusieurs siècles déjà dans le monde musulman. Le processus de sécularisation dans le monde musulman a été caractérisé par une diminution de l’influence de la religion dans les domaines sociaux, culturels et politiques de la vie. Cette tendance a commencé il y a plusieurs siècles, avec le développement de l’autonomie du droit musulman dans des domaines tels que le commerce et même dans le statut personnel. En effet, le droit musulman a été adapté et modernisé pour répondre aux besoins de la société contemporaine. Par exemple, certaines sociétés kabyles pratiquaient l’exhérédation des femmes dans le cadre des successions, mais cette pratique a été remise en question et modifiée au fil du temps.

Dans certains pays musulmans, comme la Turquie, la Tunisie et l’Égypte, des réformes ont été entreprises pour séparer la religion de l’État et pour promouvoir une société laïque. Ces réformes ont conduit à l’adoption de lois laïques et à la création d’institutions séculaires, telles que les tribunaux civils. Cependant, dans d’autres pays musulmans, l’islam continue de jouer un rôle important dans la vie publique, souvent en tant que source de loi et de gouvernance. Cela a été particulièrement vrai dans les pays qui ont adopté une forme d’islamisme politique, tels que l’Iran, l’Arabie saoudite et le Qatar.

  • Sécularité en Algérie :

En Algérie, bien que la chariaa soit considérée comme une source du droit en matière civile, elle n’est pas la seule et est placée après la loi dans l’ordre hiérarchique des sources du droit. La législation algérienne est principalement laïque et repose sur des lois élaborées par le pouvoir législatif.

Toutes les institutions de l’Etat, y compris le système judiciaire, sont régies par des lois laïques qui couvrent tous les aspects de la vie. Bien que l’article 2 de la Constitution algérienne stipule que l’Islam est la religion d’Etat, cette disposition a une valeur surtout symbolique et politique et n’affecte pas la pratique du droit en Algérie. Cependant, la relation entre l’Etat et la religion reste un sujet de débat important en Algérie en raison de son histoire coloniale et de la guerre d’indépendance qui a suivi. En conclusion, bien que l’Islam soit la religion d’Etat en Algérie, la législation du pays est principalement laïque et régie par des lois élaborées par le pouvoir législatif, mais la question de la relation entre l’Etat et la religion reste un sujet sensible dans le pays.

 

Avant de revenir à la question de la sécularité en Algérie avec l’étude des différents déterminants et indicateurs. Un petit détour théorique est nécessaire pour connaitre la réalité du débat sur la théorie de la sécularisation qui ne fait pas toujours l’unanimité dans le monde académique et intellectuel.

En effet, pendant des décennies, les chercheurs ont considéré que la religion et la modernité étaient en relation de tension, avec cette thèse centrale : la diffusion des modes de vie modernes va de pair avec la diminution de la portée sociale de la religion. Plus une société se modernise (augmentation du niveau de vie, démocratisation, pluralisation et individualisation), plus elle se sécularise. Les grands penseurs des sciences humaines du 19e et 20e siècle qui ont fait école (Herbert Spencer, Émile Durkheim, Max Weber, Karl Marx et  Sigmund Freud), croyaient tous que la religion perdait peu à peu de son importance et cesserait de jouer un rôle significatif avec l’avènement de la société industrielle. Tout le monde s’accordait sur le principe que les superstitions théologiques, les rituels liturgiques, symboliques et les pratiques sacrées étaient un produit du passé qui serait abandonné à l’époque moderne.

Toutefois, dans les années 1970, un tournant est perceptible. Le nombre de chercheurs partageant ces hypothèses s’est fortement restreint. C’était plus ou moins une évidence dans les sciences sociales d’admettre une perte de l’importance sociale de la religion. Les spécialistes des sciences humaines sont divisés sur la question de savoir si le processus de sécularisation réduit le rôle de la religion dans la vie quotidienne ou si les grandes religions mondiales connaissent une forte reviviscence. De nombreux observateurs parlent alors de « retour du religieux ».

Les études récentes montrent que la pratique religieuse conserve davantage d’importance dans les populations vulnérables, surtout celles qui vivent dans les pays les plus pauvres, qui sont confrontés à des menaces pour leur survie à titre personnel. Le sentiment de vulnérabilité au risque physique, sociétaux et personnel est un facteur clé pour l’existence de la religiosité. En effet,  les humains produisent des systèmes d’immortalité pour calmer le angoisse et faire face à la conscience cuisson des êtres mortels. 

Le retour du religieux, sa visibilité ou regain de sa pratique ne signifie pas – sauf dans ses manifestations extrémistes – une remise en cause du processus de sécularisation, de l’autonomisation des sociétés modernes par rapport aux autorités religieuse. Cela est une réalité. La séparation est acquise entre les différents secteurs de la société et la religion n’est plus que l’un d’entre eux et non celui qui donnait sens à tous. 

La sécularisation en Algérie

Introduction

La sécularisation ne peut évidemment pas être appréhendée par le recul seul du sentiment religieux dans la société, ni l’affaiblissement des croyances chez les individus. Dans le même temps, des transformations structurelles, comme l’alphabétisation, le rôle des femmes, la place des « jeunes », l’accès à une information mondialisée etc, ont bouleversé le rapport au religieux. Autant d’éléments qui constituent le terreau de la/des sécularisations. Étudier donc la sécularisation ne consiste nullement à analyser une sortie éventuelle du religieux d’un nombre de plus en plus grand d’individus. Il s’agit d’évaluer le degré d’hégémonie exercée par le religieux dans la structuration des institutions, des espaces, des pratiques aidées aux représentations. La sécularisation est par conséquent un processus d’affaiblissement de cette hégémonie sur les différentes structures qui régulent la vie en société. Il est relativement clair que le processus ne peut que prendre des formes et des configurations spécifiques probablement nouvelles par rapport aux autres régions du monde et qui se sera s’apparenterait une nullement au forme spécifique de sécularisation prise par l’Allemagne, la France, les USA et encore moins l’expérience de sécularité suivie par la France qui s’est nourrit de la confrontation avec l’église catholique dominante. 

En Algérie, la religion ou le sacré ne définit plus les normes de comportement pour les individus et les groupes sociaux. Pour vérifier cela, il faut analyser le renforcement où l’affaiblissement du degré d’hégémonie du religieux sur la vie quotidienne des individus en Algérie (espace privé), aussi la place du religieux dans l’espace public à travers l’étude d’un ensemble d’indicateurs : 

  • Espace privé (La famille)
  • Espace public (école, art, économie, politique)

Une partie à part sera consacré à la place de la religion dans les institutions, c’est à dire les sources du droit à travers le concept de laïcité

Indicateurs de la sécularité

au niveau de l'espace privé - Famille

Le recul du religieux et la contestation de l’autorité religieuse en particulier, peut être constaté et observé au niveau de la structure de base de la société, qui est la famille qui est le centre de production et reproduction des valeurs dans la société, à travers l’observation de différents indicateurs.  Autrement dit, étudier le degré d’hégémonie du religieux sur la famille : Sa constitution à travers l’étude du mariage, sa reproduction à travers l’étude de la fécondité, et sa composante à travers l’individualisation. 

  • 1. Au niveau du mariage : 

Le mariage est une institution centrale dans la société algérienne avec son pendant l’absence supposée de rapport sexuels hors mariage. Les transformations en cours sur la nuptialité (âge de mariage, relations sexuelles hors mariage, couples en union libre) sapent les bases de constitution du mariage traditionnel, ils minent par-là les fondements du système patriarcal et mettent à mal l’ordre social et religieux. Sous l’effet de la modernisation avec l’appuie de plusieurs facteurs (scolarisation, urbanisation, travail des femmes), ce système matrimonial traditionnel est entrain de se séculariser. Cette sécularisation est perceptible par l’importance et les profondes modifications que la système nuptial subit depuis les dernières décennies, ses principales caractéristiques sont progressivement remises en cause : 

    • – Le mariage civile devient la règle, même si la loi reconnait le mariage traditionnel, qui peut être transcrit par le juge
    • – Multiplication des relations sexuelles hors mariage
    • – Le mariage imposé aux jeunes filles pubères a pratiquement disparu 
    • – Une fraction de la société parmi les plus instruits admet de plus en plus la liberté de choix de conjoint et 
    • – Le divorce judiciaire s’impose comme seule forme acceptable de rupture d’union.

La mariage obéit au droit positif, le mariage civile est la règle. Le mariage dans la société traditionnelle algérienne obéit globalement aux lois coraniques. Le mariage est considéré par les textes coraniques comme une nécessité pour tout homme qui possède les moyens matériels de convoler en justes noces. L’ensemble des dispositifs relatifs aux unions (les conditions de validité, droits et devoirs des époux, les interdictions d’union)  et au rupture d’union  (période de vacuité), les relations de genre (rapport entre les sexes, les formes de domination, les droits de succession..etc) sont définis dans les textes coraniques, parfois avec une très grande précision. 

Les lois coraniques étaient adoptés par la société nord africaine, car elles étaient conformes aux formes d’organisations économiques et sociales qui prévalait dans la société nord africaine préislamique. L’islam a formalisé les pratiques et les valeurs qui existaient déjà dans la société principalement le patriarcat et endogamie, reprises plus tard par le droit moderne à travers les textes du droit de la famille. Le patriarcat est matérialisé par le tutorat matrimoniale et la soumissions à l’autorité de l’homme (la soumission à l’autorité de l’homme a été supprimé en 2005), et l’endogamie par le système de succession où le droit à l’héritage fait intervenir les membres de la famille élargie). Le changement des lois pour les adapter aux exigences de la réalité social moderne est le premier signe de la sécularisation. La constitution de la famille n’obéit plus aux textes coraniques, mais au lois civils. Même si ces dernières sont imprégnés par la chariaa (plus aller loin voir la partie consacré à la laïcité du droit). 

La prolongation du célibat et âge élevé au premier mariage. Une proportion élevée de célibataires des deux sexes questionne profondément la conscience religieuse. L’ordre social et religieux en Algérie est généralement hostile au célibat des adultes des deux sexes. La religion exprime une très grande méfiance envers les adultes célibataires, elle considère qu’ils seraient susceptibles de succomber plus facilement aux tentations et de perturber l’harmonie supposée qui régnerait au sein du groupe. Il en découle une volonté manifeste de contrôler la sexualité des membres de la société. Les rapports sexuels ne sont pas, du point de vue religieux, concevable en dehors du mariage, d’où une surveillance étroite des femmes célibataires. Le contrôle de la sexualité des femmes se faisait par la précocité du mariage, les jeunes filles étaient mariable dès la puberté et leur enfermement dans les lieux privés devait empêcher les rencontres des deux sexes et déminue les tentations. La transgression des interdits est puni par là flagellation et parfois par la mise à mort.

Les jeunes n’obéissent plus à cet ordre et préfèrent prolonger l’âge de célibat. La présence de plus en plus grande des femmes dans l’espace public et leur introduction sur le marché du travail principalement par l’emploi public et l’emploi qualifié pose en filigrane le problème de la place et le rôle de la femme dans la société, principalement dans la famille. Les femmes ne se marient plus jeune, elles font de plus en plus le choix du célibat prolongé et aussi de disposer librement de leurs corps. Le sexe n’est plus pratiqué uniquement dans le cadre du mariage. La virginité est de moins en moins, une condition de validité du mariage. La cérémonie de virginité a presque disparu dans la société et les jeunes couples passent leur nuit de noces dans les hôtels loin de la famille. 

Multiplication des relations sexuelles hors mariage. La société traditionnelle algérienne n’admettait pas les relations sexuelles en dehors du mariage, elle mettait tout en œuvre pour les bannir et elle avait pour cela l’appui de la religion. Elle exprime la crainte du désordre social que peut créer la présence en grand nombre d’hommes sexuellement actifs, dans une société tribale qui reposait sur des valeurs telles que l’honneur et le prestige de groupe familial et du clan, en proie a la peur permanente de l’affaiblissement du groupe, confronté à des conflits internes face aux groupes rivaux, exige entre autres, la répression de la sexualité féminine prénuptiale et hors mariage.

L’acte sexuel lui-même ne constitue pas un péché pour la religion islamique (lorsque la finalité ne serait pas de procréer). Les textes coraniques prennent bien en considération la satisfaction des besoins charnels, ils n’assignent donc pas là procréation comme seul but de mariage. Cependant en d’hors du mariage, les rapports sexuels sont interdits pour les célibataires des deux sexes à qui la chasteté est recommandée. Dans le cas où ils sont dans l’impossibilité matérielle de se marier, l’abstinence et la patience sont recommandés aux célibataires. Toute transgression est punie de 100 coups de bâtons. Le Coran consacré 20 versets au rapport sexuels et pas moins de dix à l’adultère. Cette sentence n’existe même plus dans la société algérienne. Le sacré n’organise plus la vie sexuelle des individus. 

Le divorce judiciaire s’impose comme seule forme acceptable de rupture d’union. Le Coran accorde le droit de divorce pour les couples marié. La répudiation est la règle, même si la femme peut demander séparation à travers le dispositif prévu par la chariaa qui est “el-kholàa”. Pour divorcer, il ne suffit plus à l’homme de prononcer trois fois le mot divorce, pour que ce dernier prends effet. Il faut passer par la voie judiciaire pour que la séparation soit effective.

  • 2. Au niveau de la fécondité  

Le phénomène universel de chute de la fécondité, traduit la chute de la pratique religieuse ou en tous cas la chute de l’influence de la religion dans la vie quotidienne (toutes les religions encourageant la procréation et la soumission à la volonté divine en la matière). La sécularisation et le développement humain ont un puissant effet négatif sur le taux de fécondité dans quasi tous les pays où là sécularisation a le plus progressé. Les taux de fécondité en Algérie sont en baisse constante, ce qui prouve que les individus n’accordent pas trop d’attention à ce que préconise la religion en matière de procréation. Les exigences de la vie moderne mettent les aux orientations religieuses traditionnelles en second rend. 

  • 3. Au niveau de l’individu 

La société algérienne traditionnelle, avec ses structures représentatives principalement la famille, sécrète des normes qui sont intériorisé à des degrés divers par les membres de la société d’une manière naturelle. L‘individu se retrouve étroitement enserré dans la famille dont les options et les décisions règlent ses actes comme ses pensées. La domination masculine et là prédominance des aînés et du père se suffisent de la violence symbolique pour assurer l’ordre et la paix et faire respecter les normes sociales et les interdits aux religieux. Aussi la communauté exerce par ailleurs en permanence les pressions nécessaires, en utilisant le plus souvent d’arguments religieux, pour obliger les récalcitrants à respecter l’autorité et à ne pas enfreindre les interdits et le recours à la violence physique contre un membre de la famille était de ce fait exceptionnel. L’individu dans cet ordre traditionnel, ne saisit pas cette pression comme une oppression parce qu’il craint par-dessous tout de perdre la solidarité vitale qui l’unit au groupe ou à la communauté, parce qu’il a le sentiment de n’exister que par la famille. 

Avec l’augmentation de l’espérance de vie, la scolarisation, le salariat, l’individu algérien a trouvé une indépendance et revendique une place centrale, autonome, notamment par son choix de sociabilité élective en rupture avec les cadres da la société « traditionnelle ». 

L’augmentation de l’espérance de vie influe directement sur le sentiment religieux et le recul du fatalisme. Avant la forte hausse de l’âge de vie, l’homme se ressentait comme l’instrument du « destin», car tout était écrit. Il était constamment sous la menace de la mort. Avec une espérance de vie de 77 et plus en Algérie, l’homme et la femme se sentent désormais immortels. Bien sûr, il ne s’agit que d’une perception car on sait tous qu’on va mourir un jour. Mais le fait que les maladies se soient éloignées, que la mortalité ait beaucoup baissé, donne des ailes. On sent qu’on a l’avenir pour soi, qu’on peut se lancer dans des projets à long terme. Aujourd’hui, l’individu qui prend sa retraite à 60-65 ans, ne se dit plus je vais rentrer à la maison, dormir et mourir. Il se dit « tiens, j’ai des petites épargnes je peux me lancer dans des projets d’investissement, créer ma petite entreprise et tout ce qui va avec ». Ce qui veut dire que la baisse de la mortalité a beaucoup dynamisé le moral des individus.

La scolarisation a ouvert des champs immense au débat sur la religion. L’accès au textes religieux n’est plus réservé à une minorité, une élite appelée généralement “Oulémas”, Savants.  L’accès au savoir, à l’écriture et la lecture permets au plus grand nombre d’individue d’avoir une autonomie dans la lecture du texte coranique, de la tradition et toute l’histoire religieuse. Cette autonomie engendre une liberté de lecture, d’interprétation, mais aussi de critique, d’où les débats très virulents sur le texte religieux, sa lecture, son interprétation, la place de la religion dans la société…etc perceptibles dans les réseaux sociaux, surtout ceux qui permettent une interaction direct entre les individus comme Paltoc, ClubHouse …

Indicateurs de la sécularité

L’espace public

Sous l’effet des profondes transformations de la société, la religion n’a plus l’autorité sociale suffisante pour définir le cadre global de la vie quotidienne de l’algérien, malgré cela, elle est omniprésente et en permanence dans le débat public interrogent de manière permanente la relation du religieux ou la place de la religion dans le champs politique. Le poids du religieux est omnipotent, dans toutes les structures sociales et politiques, mais chacun l’utilise pour des fins différentes. Au niveau du régime politique en place depuis 1962, la religion est un instrument de légitimation de la gouvernance pour des fins de domination et domestication de la société. Au niveau de la classe politique d’opposition une partie d’elle considère la religion comme un projet de société alternatif au projet national.

C’est le mouvement nationaliste d’essence de gauche, séculier et républicain qui a libéré le le pays, avec une élite plus ou moins laïc. Le régime politique qui s’est installé après l’indépendance avait un caractère autoritaire. Tous les moyens étaient bons pour garder le pouvoir et dominer la société, ainsi depuis l’indépendance, la religion était utilisée comme un instrument idéologique pour légitimer, affermir et consolider le pouvoir sur la société, dans le but d’accroître sa légitimité et assurer sa pérennité à la tête des institutions. La prise en main du champs religieux par les pouvoirs publics se fait sur plusieurs niveaux :  fonctionnarisation des immams et du personnel du culte, formation des immams, contrôle des espaces de prêches, création d’institutions religieuses …. Aussi le recours à l’instrumentalisation du religieux par le régime politique algérien avait un autre objectif, c’était pour marginaliser l’opposition de gauche et les mouvements de la société civiles (étudiants et femmes) et les syndicaux contestataires. 

La contestation du monopole étatique de l’utilisation du religieux par les courants conservateurs, s’est manifesté dès l’indépendance avec la création de la société “El Kiyam” en 1963. La dissolution de cette dernière n’a pas freiné la dynamique de l’islam politique en Algérie. Tout au long des années 70 et principalement 1980, les mouvements proche de l’obédience islamique étaient très actifs dans l’espace public.  L’engament de ses militants a entraîné une action énergique et continue qui n’a pas épargné le recours à la violence armée depuis les années 70, condamnation de Nahnah en 1976, grande marche de novembre 1982 et insurrection du groupe de Bouyali en 1986. 

Depuis les années 80 les pouvoirs publics ont connu un essoufflement et avaient épuisé leurs sa capacités à répondre aux besoins multiples de construction d’un état moderne, aussi satisfaire positivement les différentes aspirations de la population en matière de développement économique et sociale. Le caractère autoritaire et policier qui s’appuyait sur une bureaucratie stérile et incompétente qui a sombré dans la corruption alors que la population avait cru aux promesses de la modernité postindépendance. Au fil des années, les algériens voyaient leurs conditions de vie se dégrader, leur droit dégringoler, leur liberté se réduire et leur dignité bafouée. La destruction, au nom de la modernité, des solidarités traditionnelles sans permettre l’avènement de solidarité moderne fondées sur la reconnaissance des libertés et des droits syndicaux, civils, politiques, socio-économique et culturelle ont donné aux modernisation entreprises par le régime post post-indépendance les dimensions d’un chaos. Ces échecs ont accentué la pression populaire et ont favorisé la montée de l’islam politique comme une alternative au projet national, qui a échoué pour une partie de la population et le remplacer par un projet alternatif basé sur une théocratie islamique. En effet, même si la mouvance de l’islam politique se subdivise en plusieurs ramifications, de courants, d’obédiences, tous convergent vers un projet politique à base religieuse avec l’islam comme référent politique et sociétal. Pour les islamistes, la religion est ”dine oua dounia”, c’est dire une pratique religieuse individuelle, mais aussi un projet politique. Les deux ne peuvent être dissocié. 

La monté de l’islam politique, a poussé les pouvoirs publics à intervenir d’avantage dans le champs religieux, principalement avec la recours à l’islam populaire jugé moins politique, en ravivant les confréries religieuses pour contrecarrer les courants les plus actifs, comme les frères musulmans ou en encouragent les courants salafistes qui font de l’allégeance au gouverneur comme principe de fonctionnement. L’objectif est simple l’objectif est le rétablissement de la légitimité et de restaurer son autorité sur la sphère religieuse est par la suite sur la société. 

Malgré le référent religieux, beaucoup d’acteurs de l’islam politique utilisent les moyens offert par la modernité politique pour occuper l’espace public : Recours aux partis politiques, créations d’associations, utilisation des moyens de communications modernes. C’est le signe de sécularité de ses mouvements qui deviennent des acteurs politiques comme tout autres acteurs. Le recours au sacré ne leur donne pas un avantage comparatif à par apport à leur adversaire politique. Les discours utopistes sur une société idéal ou le paradis est le récompense ou bien considérer la pauvreté comme une fatalité ne marche plus dans une société qui est sortis de la tradition, ouverte sur le monde et aspire à consommer dans le présent. Une société ou l’individu prends son autonomie intellectuelle et familiale, ou le femme gagne son indépendance et son autonomie financière.  

Ce processus de sécularisation se déroule aussi dans un contexte où s’affrontent deux projets de société. Entre ceux qui veulent faire disparaitre toute expressions religieuse dans l’espace public et ceux qui veulent construire un projet politique alternatif basé sur la religion. Aussi parmi ceux qui privilégient de construire un projet basé sur la religion, il y a deux sous projets. Ceux qui veulent moderniser l’islam (les réformateurs) et adapter son texte aux exigences de la vie moderne et ceux qui veulent islamiser la modernité (les salafistes), c’est à dire un projet politique qui a comme objectif de s’approprier les moyens modernes du développement et des sciences dans le cadre de références islamique. 

 

L’instruction scolaire

Après l’indépendance l’Etat algérien n’a pas fait le choix de retour au système classique d’instruction qui a prévalut avant la colonisation, et qui survécu aussi à la période coloniale. Ce système qui reposait principalement sur l’instruction religieuse a été considéré comme archaïque, figé par la nouvelle élite au pouvoir. Il ne constitua pas le socle des systèmes éducatifs postindépendance, lui préférant un système plus moderne, malgré la résistance d’une frange importante de l’élite islamique, conservatrice. Ces derniers ont pu imposer la langue arabe classique comme langue principale d’enseignement et aussi l’enseignement religieux devient une matière du programme scolaire. Les différentes appellations de cette matière  renseigne sur les rapports de force au sein du pouvoir, de l’éducation religieuse, la matière devient l’éducation islamique.

Le système éducatif moderne a pour finalité de former les individus à la citoyenneté et aux nécessaires développement économique, contrairement au système pré colonial et traditionnel qui avait la religion comme finalité. Globalement, nous pouvons dire que le système éducatif algérien est sécularisée et le contenu de la matière de l’éducation religieuse est assez léger et ne fait pas d’elle le socle de l’instruction comme c’était le cas dans le système traditionnel. Le second aspect qui indique le recul de l’hégémonie du religieux et que la religion n’exerce aucune hégémonie sur le système éducatif est le la présence des deux sexes. Aussi la non séparation entre les deux sexes dans les écoles est un autre indicateur de la sécularisation du système éducatif. Cette mixité dans les différents cycles d’enseignement a été renforcée par la féminisation progressive du personnel enseignent à tous les niveaux du système éducatif. 

La clé de voûte de ce processus de sécularisation est sans doute le progrès de l’instruction scolaire des jeunes générations de femmes depuis le début des années 1960. Rappelons qu’en raison de la politique ségrégationniste du régime coloniale, une partie importante de la population, et tout particulièrement des femmes, ne pouvait accéder au savoir. En 1962, seulement 1 % des femmes en âge de procréer (15-49 ans) étaient alphabétisées. Compte tenu du fait que la relation entre la fécondité et la scolarité des femmes s’inscrit dans un cycle opposé, ce faible niveau de l’instruction scolaire explique, en grande partie, le niveau élevé de leur fécondité durant les années 1960 et 1970.  

Après l’indépendance, les dirigeants furent contraints de redynamiser la politique d’éducation et d’étendre le système scolaire afin de répondre aux attentes d’une population qui venait de renverser l’ordre coloniale et comptait sur le nouveau régime pour améliorer ses conditions de vie et son accès à l’éducation, à la santé et au logement. 

L’expansion rapide de l’école au cours de deux premières décennies qui ont suivi l’indépendance, a permis aux jeunes générations d’y accéder massivement. Ce progrès notable est certainement à l’origine de la mise en cause du système patriarcal au sein de la famille. C’est dans ces conditions que sont apparus les premiers signes de fléchissement de la fécondité. Une nouvelle ère a alors commencé en Iran, une ère qui n’a pas tardé à révéler un changement important des mentalités, changement touchant d’abord les populations urbaines, puis rurales. Cette configuration inédite met bien en évidence la détermination des jeunes algériens à rompre définitivement avec les traditions patriarcales et à emprunter les chemins qui mènent à davantage d’émancipation.  

Dans ce nouveau contexte, la question de l’égalité des sexes a gagné une légitimité croissante chez la majorité des femmes. Les expériences cumulées au cours de deux décennies 1980 et 2000 et la prise de conscience, notamment chez les jeunes femmes, des discriminations de toutes formes à leur encontre, ont donné naissance, pour la première fois, à une véritable action collective, réfléchie et efficace. Ce combat politique sera certes très difficile à mener. Mais ces femmes qui se sont déjà imposées comme les protagonistes du changement social ont renforcé leurs chances de marquer des points déterminants. Avec cette transformation majeure et inédite dans l’histoire sociale de l’Algérie, on peut légitimement affirmer que les femmes se sont constituées en véritables actrices politiques et de la re-sécularisation de la société algérienne.  

La culture et l'art

Tout d’abord, il convient de noter que la religion musulmane, qui est la principale religion en Algérie, est souvent perçue comme étant incompatible avec l’expression artistique et culturelle. En effet, dans l’islam, l’utilisation de représentations humaines et animales est souvent considérée comme étant contraire à la pureté de la foi. Cependant, il est important de souligner que cette perception n’est pas universelle et que de nombreux artistes et écrivains musulmans ont réussi à exprimer leur créativité tout en restant fidèles à leur foi.

En Algérie, la sécularisation de la société a commencé dès la période coloniale, lorsque les Algériens ont été confrontés à la culture française. Pendant cette période, de nombreux artistes et écrivains algériens se sont inspirés de la culture française pour créer une forme d’art et de littérature qui était à la fois algérienne et française. Cette forme d’art a été souvent appelée “l’art pied-noir” et elle a joué un rôle important dans la création d’une culture algérienne distincte.

Après l’indépendance de l’Algérie, le gouvernement algérien a cherché à promouvoir la culture algérienne tout en préservant les valeurs traditionnelles. Pour cela, des écoles d’art ont été créées pour former des artistes et des écrivains algériens. Ces écoles ont été conçues pour aider les jeunes artistes à trouver leur voie dans la création d’une culture algérienne distincte.

Au fil des ans, la culture algérienne s’est développée pour inclure des formes d’art et de littérature qui sont uniques à l’Algérie. Des écrivains comme Kateb Yacine et Assia Djebar ont été reconnus pour leurs contributions à la culture algérienne, et des artistes comme Baya ont été reconnus pour leur art unique.

Aujourd’hui, la culture algérienne est un mélange de traditions et d’innovations, et l’art et la littérature algériens continuent d’évoluer. Les artistes et les écrivains algériens sont de plus en plus reconnus à l’échelle internationale, et leurs contributions à la culture mondiale sont de plus en plus appréciées. En fin de compte, l’art et la culture ont joué un rôle important dans le processus de sécularisation en Algérie, en permettant aux Algériens d’exprimer leur créativité et de développer une culture distincte tout en restant fidèles à leur foi et à leurs traditions.

Économie

Après l’indépendance de l’Algérie en 1962, le pays était confronté à la tâche immense de sortir de la pauvreté et du sous-développement économique. Ainsi, le développement économique est devenu une priorité nationale pour le pays, avec pour objectif principal la modernisation de l’économie algérienne et l’amélioration du niveau de vie de la population.

Cependant, dans les années suivant l’indépendance, la question de la conformité des valeurs économiques et financières à l’islam n’était pas une préoccupation majeure pour les responsables politiques et économiques du pays. En conséquence, l’économie algérienne était largement sécularisée, avec des pratiques économiques qui étaient en contradiction avec les enseignements de l’islam.

Cela incluait l’activité liée à l’alcool, qui n’était pas interdite même si elle est considérée comme illicite selon la charia, ainsi que l’usure qui est pourtant interdite par l’islam, mais qui constituait le socle de l’activité bancaire et du système financier en général.

C’est seulement dans les années 1990 que la finance islamique a commencé à émerger en Algérie, avec l’établissement de la première banque islamique du pays, El Baraka Bank Algeria, qui a été approuvée par la Banque centrale algérienne en 1991. Depuis lors, deux autres banques islamiques et une compagnie d’assurance ont été autorisées à opérer en Algérie. Cependant, selon un sondage réalisé en 2013 par l’institut Gallup pour le compte de la Banque mondiale, l’ensemble de ces institutions ne détiendraient que 1,5% des activités financières en Algérie.

En outre, malgré les incitations publiques pour encourager la bancarisation de la population, cette dernière reste parmi les moins bancarisées de la région. Les produits de la finance islamique sont également peu populaires auprès des opérateurs économiques, en grande partie en raison de leur coût plus élevé que les produits bancaires classiques.

Cela indique que, malgré les besoins de financement de l’économie algérienne et la progression de la bancarisation de la population, l’économie islamique reste marginale en Algérie. En effet, le discours porté sur la morale économique n’a que peu d’impact sur les comportements économiques.

Enfin, il est intéressant de noter que l’islam a historiquement joué un rôle important dans la redistribution de la richesse au sein de la société, grâce à l’impôt solidaire de la zakat. Cependant, l’ambition de réduire les inégalités en imposant la zakat en Algérie n’a pas réussi à transférer efficacement des ressources vers les populations les plus pauvres du pays. Cela peut être dû en partie à une mauvaise mise en œuvre et à une faible application de la zakat par les institutions gouvernementales.

Zoom sur la finance islamique

Il y a un siècle, même les plus savants des Musulmans auraient été surpris par l’idée d’une économie islamique. En fait, l’économie islamique est une «tradition inventée» qui a émergé en Inde dans les années 1940, grâce à l’intellectuel islamiste Abul Ala Maududi, qui y voyait un moyen de renforcer l’identité musulmane, de minimiser les relations avec les non-musulmans, d’étendre l’Islam à un nouveau domaine d’activité humaine et de moderniser sans occidentaliser. Les partisans de l’économie islamique avancent que le système capitaliste et socialiste ont échoué et que l’Islam offre une troisième voie.

La finance islamique est une branche de l’économie islamique qui a connu une croissance rapide dans les années 1970, grâce au soutien financier des pays exportateurs de pétrole. Elle repose sur l’interprétation des textes coraniques et de la tradition islamique pour construire sa philosophie, sa doctrine, ses règles et son argumentaire. La finance islamique s’appuie sur deux principes fondamentaux : l’usure et la spéculation, qui sont interdits par le Coran. Sur la base de ces principes, un système de valeurs a été construit, qui édicte des règles pour proposer un ensemble de produits financiers certifiés conformes à la loi islamique.

Parmi les règles ou les valeurs édictées par la finance islamique, on peut citer l’évitement de ce qui est interdit par la religion, un équilibre entre l’intérêt personnel et l’intérêt public, une rémunération sur la base d’une participation au bénéfice, le partage de pertes et de profits entre le débiteur et le créancier qui se transforment dans ce cas en acheteur et revendeur, et la restriction de financement de toutes les activités liées à l’alcool, au jeu de hasard, à la viande de porc et à la pornographie. Ces principes ont donné naissance à une multitude de produits financiers, plus ou moins complexes.

Cependant, la réalité de la finance islamique est contestée par certains observateurs, qui la considèrent comme un moyen marketing pour attirer une clientèle différenciée, car le fonctionnement des banques islamiques est en réalité sécularisé et obéit aux règles économiques de base. De plus, il y a des questions quant à savoir si le mécanisme adopté par les banques islamiques est réellement exempt de signes de tentatives de détournement du prêt bancaire classique, si l’utilisation du mot « hallal » est appropriée, et dans quelle mesure ces banques suivent les directives conformes à « la sharia » comme loi islamique. Il est également suggéré que l’intérêt est toujours présent dans les transactions financières sous forme déguisée, avec la notion de « surcoût » couvrant toutes les opérations financières.

Indicateurs de la sécularité

La sécularité et le droit : la laicité

La laicité en Algérie

La laïcité est une notion juridique qui traduit une séparation formelle des organes religieux et les institutions de l’État ce qui donne une double incompétence de l’État en matière religieuse et du religieux en matière du Droit.
 
Si le mot laïcité est utilisé et connu dans le débat politique algérien, cela est dû principalement à l’histoire coloniale. Le mot laïcité est liée généralement à l’histoire politique en France, qui a engendré une séparation entre la religion et l’État survenue avec le concours du droit par une loi formelle (loi de 1905) qui a mis fin à un conflit État-Église catholique qui a duré plus d’un siècle. Ce qui place la France dans une position singulière dans le processus de la modernité politique avec une sécularisation positive et forcé contrairement à tous les autres pays qui sont rentré dans la modernité avec un processus plus au moins apaisé de sécularisation et de laïcisation.
 
Il ne faut pas cependant brûler les étapes du raisonnement et conclure hâtivement, sous prétexte que la laïcité dans sa traduction institutionnelle résultant de l’histoire particulière de la France, qu’elle ne fait que répondre à un problème exclusivement français. En France la sécularisation et la laïcisation constituaient un seul et même processus, donnant naissance à une conception de « la modernité républicaine, radicale et positiviste, imposant une séparation nette du spirituel et du temporel, du politique et du religieux ». Dans le reste de l’Europe comme en Amérique et le reste du monde, la sécularisation s’est réalisée sans grande confrontation avec le pouvoir du clergé. Cette sécularisation a donné naissance à une forme « douce » de la laïcité, à tel point que Tocqueville considérait cette entente entre la religion et la politique comme l’un des éléments fondateurs de la démocratie en Amérique.
 
Dans cette optique, la laïcisation ne serait dès lors qu’une simple modalité juridique parmi d’autres d’expression de la distanciation, du désengagement de l’État par rapport à la religion. Aussi, il faut signaler qu’une laïcité parfaite n’existe nulle part et que le modèle de laïcité français est le plus abouti alors qu’il porte en lui plusieurs exceptions au principe de séparation des cultes et de l’État, comme la loi sur le concordat qui reste encore applicable en Alsace et Lorraine.
 
Ce qui nous amène à dire que tous les États modernes sont laïcs, c’est-à-dire que la religion ne dicte plus le droit positif et aussi la société française comme toutes les sociétés qui sont rentré dans la modernité sont des sociétés qui se sont entièrement sécularisées mais c’est le processus de sécularisation qui diffère d’un pays à un autre. Ceci nous permet de faire le lien et d’introduire la deuxième notion, la sécularisation.
 
 

La perversion et limite d’un article : Le 144, bis 2 du code pénal algérien

Le premier avril 2021, nous avons assisté encore une fois à un procès qui a été instruit sur la base de l’article 144, bis 2. Ce n’est pas le seul et, peut être, ne sera pas le dernier procès qui sera intenté sur la base de cet article, qui défraie la chronique judiciaire à chaque fois. En effet, depuis la promulgation de cette loi en 2002 plusieurs affaires ont été déférées devant le juge et plusieurs personnes ont été poursuivis sur la base de ce même texte.  
 
Avant de revenir sur les perversions et le détournement d’interprétation faits à cet article, arrêtons-nous un peu sur les principes du droit pénal en général. En effet, le droit pénal algérien, comme tout droit pénal moderne repose sur des principes philosophiques fondateurs.  
 
Tout d’abord, l’existence d’un contrat social, qui en est le fondement même du droit de punir. Le contrat s’exprime dans des lois élaborées par le législateur, représentant de la société, et le citoyen accepte donc par avance la peine qui sanctionnera la violation du contrat en délégant à l’Etat le principe de la violence légitime et le parquet reste le garant de l’ordre publique.  
 
Ensuite, le principe fondateur du droit pénal est la légalité des peines, véritable clé de voûte de l’organisation répressive dans un Etat de droit. « Nullum crimen, nulla poena sine lege ». En vertu de cet adage, la loi est source unique de droit pénal. Autrement, dit, la peine prévue par la loi, doit être définit explicitement, fixe, certaine, et proportionnée à la gravité de l’infraction. Le principe de légalité suppose donc l’absence de répression sans texte préalable. Le respect des libertés individuelles impose que chacun soit en mesure de savoir ce qui est permis ou non afin d’adapter son comportement. 
 
Sinon toutes atteintes portées par un individu aux valeurs protégées de la société, appelée infraction pénale, fait l’objet d’une mise en œuvre de l’action publique par le procureur de la République. 
 
Le droit pénal se caractérise aussi dans la culture de son autonomie par rapport aux autres branches du droit. 
 
Ces principes fondateurs sont repris dans le droit algérien et le code pénal, annonce dans son article premier – Il n’y a pas d’infraction, ni de peine ou mesures de sûreté sans loi- de cet article, il en découle bien que la loi, est la source formelle et unique de droit pénal algérien. Ce qui veut dire que le juge algérien ne peut pas prononcer de peine si l’infraction n’est pas formellement définie. 
 
Ce principe a été rappelé aussi explicitement dans la nouvelle Constitution de décembre 2020 dans son article 44, qui annonce que : Nul ne peut être poursuivi, arrêté ou détenu que dans les conditions déterminées par la loi et selon les formes qu’elle a prescrites. 
 
Le principe de Légalité de la peine évoqué par la Constitution, et inscrit en premier dans le code pénal algérien mets le droit pénal algérien dans la modernité, et exclut définitivement de son champ les autres sources du droit. De ce fait, le droit pénal musulman par exemple n’a pas de cité dans la législation pénale algérienne. Ce qui rend l’article 2 de la Constitution obsolète en matière pénale. Les infractions et sanctions qu’édicte le droit pénal musulman ne sont pas prévues ou intégrées dans le code pénal algérien, et si elles sont intégrées comme le vol, les punitions n’ont rien à voir avec ce que prévoit la loi coranique. Ceci à la différence de ce qui se passe en Iran ou en Arabie Saoudite, qui prévoit l’amputation pour les voleurs, la lapidation pour les femmes adultères, la condamnation à mort pour les homosexuels, la falaqa (flagellation de la plante des pieds) pour certains délits tels que la consommation illégale d’alcool. Dans tous les cas, dans le droit pénal algérien, la prison ou des amendes sont les seules peines prévues, mais jamais de châtiments corporels (exception faite de la peine de mort sur laquelle un moratoire existe depuis 1993).  
 
L’absence de droit pénal musulman et d’autres sources dans le droit pénal algérien, n’exclut pas l’existence d’infractions liées à la religion. C’est l’objet de l’article 144, bis 2 introduit en 2002, suites aux polémiques sur la religion en Europe. Le législateur algérien a introduit cet article pour protéger les symboles religieux de toutes atteintes.  
 
Art. 144 bis 2. (Nouveau) – Est puni d’un emprisonnement de trois (3) ans à cinq (5) ans et d’une amende de cinquante mille (50.000) DA à cent mille (100.000) DA, ou l’une de ces deux peines seulement, quiconque offense le prophète (paix et salut soient sur lui) et les envoyés de Dieu ou dénigre le dogme ou les préceptes de l’Islam, que ce soit par voie d’écrit, de dessin, de déclaration ou tout autre moyen. Les poursuites pénales sont engagées d’office par le ministère public.  
 
C’est le texte de cet article, importé d’Egypte dans sa version arabe qui pose problème dans la pratique. Son caractère général a ouvert une brèche pour certains magistrats du parquet pour l’interpréter à leur guise alors que le code pénal est assez clair dans son article premier. C’est ce qui a été constaté dans la réalité du terrain judiciaire, en effet, le texte de l’article a été utilisé à tout va, en témoignent d’ailleurs de nombreuses affaires :   Arrestations de non-jeûneurs, Biskra (2008), Tizi Ouzou (2010), Annaba (2020). Les délits de chrétienté, Habiba Kouider (2008), Slimane Bouhafs (2006) …etc.  Alors qu’il n’existe aucun texte juridique concernant la non-observance du jeûne, ni la fermeture des restaurants pendant le Ramadhan, ni de condamnation de la pratique d’une religion autre que musulmane.    
 
En effet, la justice algérienne applique maladroitement l’article 144 bis 2 du code pénal et l’engagement de l’action publique dans toutes ces affaires ainsi que les condamnations prononcées sont infondées juridiquement, et constituent une atteinte au principe de la légalité des infractions et des peines, universellement admis, garantie et repris par les articles 44, 47, 139, et 142 de la Constitution, et réaffirmé par l’article premier du code pénal stipulant : «Il n’y a pas infraction, ni de peines ou de mesures de sûreté sans loi».  
 
Par conséquent, et à défaut d’une loi incriminant expressément et directement le non-respect du jeûne, la fermeture des restaurants et café pendant le Ramadhan, ou la critique de la religion ….la question qui se poserait dès lors est la suivante : comment est-on arrivé à une interprétation permettant l’exercice de l’action publique sur la base de l’article 144 bis 2 ? 
 
L’objectif du législateur à travers l’article 144 bis 2 est de protéger les envoyés de Dieu, et les préceptes de l’Islam contre tout outrage public. L’interprétation faite est extensive de l’article. 
 
Considérant que le jeûne est l’un des piliers de l’Islam, le non-respect de ce précepte est une atteinte à l’Islam lui-même. Tel est le raisonnement interprétatif suivi par la justice pour légitimer les poursuites pénales contre les non jeûneurs par exemple.  
 
De ce fait, au lieu de se contenter d’une interprétation stricto sensu du contenu de l’article 144 bis 2, les juges-législateurs se sont accaparé le pouvoir de producteurs des lois pénales, jusqu’alors domaine réservé exclusivement au législateur en vertu de l’article 114, 139 de la Constitution 2020.   
 
Ainsi donc, avec le raisonnement consacré dans toutes les affaires liées à la religion, conduirait à la condamnation également de tout citoyen non pratiquant de la prière, et qui se promènerait dans la rue un vendredi durant salate el djoumou3a  et ceux qui ne se sont pas acquittés de la «Zakat», ou tout autres préceptes !  
 
Manger publiquement durant Ramadhan peut être considéré comme un trouble à l’ordre moral de la société mais, en aucun cas, un trouble à l’ordre public ou une atteinte au Prophète ou une offense à l’un des préceptes de l’islam. Aucun texte de loi ne réprime l’atteinte à l’ordre moral.
Références bibliographiques
المراجع الببليوغرافية

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